ARTICLE VIII
Des crayons noirs
187. On peut les composer de noir d’ivoire, ou de charbon de bois, ou de l’un & l’autre mêlés ensemble.
188. Le noir d’ivoire à beaucoup d’intensité. La couleur en est veloutée. Mais il est presque toujours dur, pierreux, si l’on n’a la précaution de le traiter comme le bleu de Prusse. Il faut donc commencer par le bien porphiriser & le laver ensuite dans une très-grande quantité d’eau bouillante. Le lendemain, lorsque l’eau se sera éclaircie, on la versera, comme inutile, sans agiter le vase, On fera de nouveau porphiriser le sédiment qu’on laissera sêcher sur un filtre de toile ou de papier, jusqu’il ait assez de consistance pour pouvoir être roulé sur du papier lombard & mis en crayons.
189. Rien de tout cela n’est nécessaire pour le noir de charbon, pourvû que le bois n’ait été brûlé dans un creuset couvert, mais à feu nu. C’est dans l’eau qu’il faut l’éteindre quand il est bien embrasé. Ce noir a moins de profondeur & moins d’intensité que l’autre : mais, comme il est extrêmement friable, après avoir été bien porphirisé, ce qui d’abord est un peu difficile, on peut le mêler avec le noir d’ivoire ou même l’employer seul. Les charbons de bois de chêne éteints dans l’eau, que ceux des ceps de vigne, de charme & d’ormeaux. Ceux des bois mols, comme le peuplier, le saule, sont trop tendres employés seuls, mais ils sont très-bien, mêlés avec le brun-rouge, le carmin, le cinabre, la terre d’ombre ou le bleu, pour faire des bruns de différentes nuances.
190. Les noirs dont nous venons de parler paroisent, aux yeux de ceux qui ne savent pas en tirer parti, moins veloutés que le noir de fumée. Les élèves de Cortone accusoient les matières de ce qu’elles ne faisoient pas, sous leurs pinceaux, le même effet que sous celui de leur maître.
Ne vous servez jamais dans la Peinture à l’huile de noir d’Allemagne ou de Cologne, ni de celui d’Imprimeur. C’est avec ce dernier que Raphaël a gâté ses couleurs (1)
(1) Richardson tom. 2
191. Au reste, il se trouve des crayons noirs qu’il ne faut pas confondre avec ceux qui servent dans la Peinture au pastel. Les uns sont de espèces de pierre, connues sous le nom d’ampélite, sorte de schiste produit par une argile mêlée à beaucoup de limon. Les dessinateurs s’en servent assez communément de la même manière que de la sanguine. Les autres sont de la molybdène, sorte de talc noirâtre & luisant qu’on appelle improprement mine de plomb. Ces crayons-ci tracent des traits fins & déliés, & quelquefois tiennent lieu, pour le moment, d’encre & de plume.
Quelques graveurs s’en servent aussi pour dessiner.
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